Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
A PROPOS DES FEMMES
Archives
12 avril 2010

DE LA DIFFICULTE D ETRE MERE

Tous les soubresauts d'une maternité qui s'installe et cherche sa place ne sont pas à mettre sur le compte d'une difficulté maternelle et ne justifient pas un suivi médical : le baby blues par exemple. Il est évident et aussi légitime qu'une naissance bouscule celle qui le vit.
L'accouchement est la plus importante des transformations physiques et psychiques : en quelques heures, 9 mois de modifications corporelles s'inversent et le passage de l'état de femme à celui de mère ainsi que la confrontation avec un autre que soi mais issu de soi ne vont pas sans de multiples questionnements et remaniements psychiques qui déconcertent.

Il y a donc un temps normal et nécessaire d'adaptation au "devenir mère" et de rencontre / d'adoption avec son bébé.

La maternité est un moment de vie par définition qui nécessite cependant un travail de deuil :
Deuil d'une partie de son ancienne identité (la fille de ses parents devient à son tour parent de son enfant), et deuil également du bébé imaginaire que l'on a porté pendant ces 9 mois parfois même, depuis son enfance.

L'accouchement est un évènement toujours très attendu (même si c'est dans la crainte) qui peut s'accompagner de sentiments de déception et d'échec. S'il fut long, douloureux, s'il y a eu césarienne ou complications, s'il n'a pas été fidèle à ce que l'on s'en était imaginé...

Considéré comme un examen de passage ou comme une fin en soi, il se doit désormais d'être un moment intense et fort symboliquement dans la vie d'une femme et si autrefois celle ci s'estimait simplement satisfaite d'être encore en vie sans trop de dégâts, aujourd'hui elle y cherche avant tout un épanouissement.

D'où le sentiment d'avoir raté une marche de sa vie, d'avoir échoué et le regret à peine voilé de ne pas pouvoir recommencer. Tant est fort le concept que le départ conditionne toute une vie et son cheminement et donc qu'un accouchement raté ne peut qu'annoncer une suite du même ordre. On peut voir dans le récit sans fin de son accouchement comme un moyen de se réapproprier cet évènement et peut être aussi d'atténuer les sentiments mitigés qu'il génère.

Le regret du ventre fécond, le sentiment culpabilisant d'être en concurrence avec ce nouveau-né vers qui tous les regards, attentions et sentiments convergent, peuvent perturber les premiers échanges avec son enfant. Le sentiment d'être oubliée se mêle à celui de se sentir perdue devant cette petite vie que le fait d'avoir mise au monde vous désigne comme unique responsable.

Joie et déception forment un cocktail d'émotions étranges, déconcertantes parce que nouvelles et propres au vécu de la maternité. Il y a donc comme une difficulté "raisonnable" compréhensible et nécessaire pour devenir mère : ce que le psychanalyste anglais Winicott désignait comme "la préoccupation maternelle primaire de la mère". C'est-à-dire un état d'hypersensibilité, de "régression" pour s'adapter et s'ajuster aux besoins de son enfant et qui permettrait de s'identifier profondément à son nouveau-né. En somme une "maladie normale", une nécessaire folie qui justement éviterait de tomber malade.

Parker a émis l'hypothèse que la mère qui vient de mettre au monde un enfant, rejoint un état émotionnel rappelant celui qui aurait été le sien lorsqu'elle était elle-même un bébé. Et celui ci bien que fort déroutant ne nécessite pas de soins particuliers, simplement le droit d'exister, de s'exprimer et d'être reconnu par l'entourage de la mère.

Peu de choses en effet, suffisent à ce qu'une maternité trouve sa place : une présence, un regard porteur, quelques conseils aideront à passer ce cap sensible.

Nous ne voulons donc pas voir dans chaque larme versée, chaque soupir ou doutes exprimés, un accident de la maternité en préparation.
La difficulté maternelle se juge en fonction de l'intensité et de la durée de ce qu'éprouvent les mères après une naissance.
Il importe donc que l'on soit vigilant les toutes premières semaines postnatales. Les mères doivent s'accorder le droit d'avoir mal, d'être mal, d'en parler et de réclamer d'être accompagnée dans leur malaise.

  Le baby-blues

"Le baby-blues s'il existe, c'est cela qu'il doit permettre. Qu'on vous écoute et qu'on vous parle ! Et ce n'est pas parce que ça arrive aussi aux autres, à presque toutes les autres le baby-blues que ça n'a rien à dire !" Patrick ben Soussan ("Le baby blues n'existe pas" aux Editions Mille et Un Bébé)

Autres noms : blues du 3ème jour, post-partum blues, blues des mères, home blues, cafard des accouchées, fièvre de lait (autrefois)
L'acte de naissance officiel du baby-blues date de 1952 dans un article de Moloney parue dans une revue de la Nouvelle-Orléans : sous le terme de "blues du 3ème jour". "Blues" car le bleu est la couleur synonyme du cafard, de la tristesse, de mélancolie ou du deuil pour les Anglo-Saxons.

De quoi s'agit-il ?

D'un état dépressif passager qui surgit inopinément dans les premiers jours qui suivent la naissance et que l'on peut comprendre comme étant le contre coup normal de cet événement : la pédo-psychiatre Myriam Szejer parle d'une véritable dépression, d'un moment où "tous les cadavres sortent des placards"...

Plusieurs explications président à son émergence tant physiologiques que psychologiques. Le baby-blues serait :

    • une réaction physiologique marquant la fin d'un stress physique et moral, liée à la modification brutale du taux d'hormones
    • l'adaptation brutale à un évènement chargé en émotions
    • un moment de coupure avec ce qui a précédé et qui aurait valeur de fonction d'aménagement défensif pour la mère, lui permettant de réaliser le deuil du bébé imaginaire d'avant la naissance et d'adopter celui qui vient de naître. Il favoriserait ainsi le passage symbolique de son statut de femme enceinte à celui de mère...


Le Baby-blues reste cependant un mystère, un "inconnu à demeure" que toutes les femmes ne ressentent pas. Il est sans doute aussi et avant tout un "aménagement du coeur" (Jean-Marie Delassus).

Retenons surtout :

    • qu'il n'est en rien pathologique 
    • qu'il touche 50 à 70 % des accouchées
    • qu'il débute en général à partir du 3ème jour et ne va pas au delà de la deuxième ou troisième semaine
    • que c'est sa brièveté et son intensité "supportable" qui le caractérisent et le différencient de la dépression du post-partum


Ses caractéristiques :

    • la fatigue
    • les troubles du sommeil (dans des proportions non inquiétantes) 
    • la tristesse
    • la labilité de l'humeur : passage rapide et déconcertant de l'euphorie à la tristesse 
    • les pleurs et crises de larmes sans raison apparente 
    • les sentiments de doutes, d'ambivalence et de crainte, vis-à-vis de son bébé 
    • une Hypersensibilité aux critiques comme aux remarques anodines 
    • une réaction forte aux évènements extérieurs 
    • un sentiment de frustration, d'échec au moindre obstacle
    • une irritabilité inhabituelle 
    • le sentiment d'être devenue étrangère à sa vie
    • des interrogations inquiètes et fréquentes sur ses capacités à devenir une bonne mère, à savoir répondre aux besoins de son bébé


Dans le cas du baby-blues, on reste cependant consciente que ces sentiments et émotions sont disproportionnés, on garde au contraire des symptômes de la dépression du post-partum comme un recul salvateur où l'on peut douter de la véracité de nos peurs : il s'agit d'inquiétudes avec lesquelles on arrive à composer et pas d'angoisses qui nous débordent... Nous ne sommes pas encore intimement convaincues de la réalité des jugements que l'on porte sur soi...
Le baby-blues est un évènement fugace qui ne dure pas au-delà de trois semaines. On lit parfois qu'il diminue avec l'apparition d'un rythme plus régulier de vie chez son enfant : nous nous garderons de minimiser des troubles qui iraient au-delà de ce temps "réglementaire" : un bébé pouvant mettre plusieurs mois pour faire ses nuits...
Il convient donc de consulter au-delà de ces 3 semaines et même avant si vous vous sentez profondément déstabilisée indépendamment de la présence ou de l'absence des symptômes évoqués plus haut.

Effectivement le Baby-blues n'est pas une maladie comme on aime à nous le répéter à tous propos.
Il est sans doute la manifestation la plus "sensible" de cette nécessaire adaptation à notre maternité. Cependant il ne faudrait pas convaincre les femmes que celles-ci se doivent de passer par ce moment de doutes pour devenir mère.

Sa présence comme son absence ne nous garantit pas que tout ira bien au-delà de ce petit temps de bouleversements légitimes. Au grand dam peut-être de nos proches qui l'attendent de pied ferme car trop heureux de connaître (maîtriser ?) au moins quelque chose des aléas de l'après-accouchement.
Les larmes chez une jeune mère déstabilisent aussi son entourage et celui-ci s'est peut-être un peu trop vite saisi de cette appellation fantaisiste dûment étiquetée et labellisée pour se dispenser d'aller voir au delà...
Le baby-blues peut être douloureux et n'a rien à voir avec une petite musique de chambre.
Il serait dommage que sous couvert d'une compréhension immédiate via cette expression les femmes en soient réduites au silence : "Il ne faudrait pas que le baby-blues soit comme une totoche que l'on enfourne dans la bouche des bébés pour les faire taire, les faire dormir ou les rassurer, un syndrôme que l'on brandirait à la vue des nouvelles mères, pour leur dire ne vous tracassez pas et ne nous tracassez pas, tout cela est banal, commun, habituel..." (Patrick Bensoussan).

Le corps médical a trop souvent encore le tort de ne pas s'alarmer de ces perturbations, et d'en négliger leur observation.
Les rapides paroles d'encouragement et de consolation pour supporter notre blues les privent et nous privent de la possibilité de diagnostiquer l'émergence discrète mais insidieuse d'une difficulté maternelle.
La période traditionnellement accordée au baby-blues est en fait une période de latence qu'il convient de surveiller discrètement et attentivement.

La dépression du post-partum (nommée aussi dépression maternelle ou dépression souriante)

"Il y a des mots qui servent à caractériser, il y en a qui servent à éliminer... Le mot dépression gomme tout, évacue la spécificité de la souffrance maternelle et la range dans le cadre d'affections anonymes, dans le prêt-à-porter psychiatrique..." (Jean-Marie Delassus)

C'est l'un des aspects les plus fréquent de la difficulté maternelle d'où la tendance à phagociter celle-ci sous le vocable de dépression...
D'une conséquence évidente et tardive des troubles de la relation mère-enfant (en effet, comment ne pas souffrir de cette paralysie émotionnelle ?) on en a fait une pathologie psychiatrique que l'on évoque volontiers pour expliquer l'empêchement d'une mère à aller vers son enfant.

Nous ne partageons pas cette façon de voir ou plutôt de ne pas voir ce qui se joue vraiment sous le tableau de la dépression.

Il est évident qu'une femme qui se sent impuissante et même "néfaste" à répondre aux besoins de son enfant ne va rester insensible à cet état : tristesse, accablement et abattement ne vont pas manquer de se manifester, mais c'est en réaction, en réponse à son empêchement de "donner".
Il y a bien souvent de la dépression chez ces mères en difficulté, la relever au cours d'un examen médical n'est que constater ce qui se passe (se voit) et n'apporte aucune explication quant à la nature du Trouble : "Pourquoi est-elle si mal depuis cette naissance, pourquoi la maternité raisonne si douloureusement chez cette femme ?".
Poser et se poser ces questions c'est dégager le véritable problème. Tenter d'y répondre c'est commencer à prendre en soin cette difficulté...
Il ne faut pas oublier non plus que sous le diagnostic d'une dépression se joue aussi un phénomène d'identification de la part de l'observateur, au bébé et à ses besoins. Il s'agit pour celui qui en est témoin de tenter de "réanimer" cette mère aux prises avec des sentiments mortifères et d'appliquer à celle-ci un terme qui rendrait compréhensible (et acceptable moralement ?) un comportement défaillant vis à vis d'un nouveau né.

Cette dépression particulière n'est pas toujours évidente à reconnaître et à faire reconnaître, tant elle s'installe insidieusement au fur et à mesure des jours d'échec dans la relation avec bébé. Elle n'est d'ailleurs pas reconnue comme une entité à part des autres types de dépression, bien qu'elle diffère des formes classiques de cette pathologie :

    • L'anxiété y est plus intense le soir que le matin.
    • Les sentiments de tristesse et d'accablement ne sont pas permanents, des moments de répits plus ou moins long existent. Les soins et les gestes de la vie quotidienne sont assurés la plupart du temps : cette dépression entraînant moins de perturbations dans la vie courante. Du coup la mère peut se raccrocher à certains instants de plaisir et méconnaître son trouble ou le nier, tout comme son entourage. Sans doute la présence du bébé l'incite à ne rien laisser transparaître de son mal-être et la pousse à se dépasser même si c'est dans la souffrance.
   


La dépression du post-partum fut Longtemps minimisée et les femmes, qui en ignoraient tout, se taisaient par honte de ne pas correspondre au standard classique de la maternité bienheureuse.
Magnifier sans nuance cet événement les a souvent contraintes à taire leurs émotions et sentiments ambivalents. La seule prise de conscience de leur malaise était et est encore souvent d'ordre moral : "je suis une mauvaise mère".
   
    Les caractéristiques de la dépression du post-partum
(se doivent d'être confirmés comme tels par votre médecin traitant : pris en dehors de tout diagnostic médical ne signifient rien de plus pour vous que la nécessité de consulter au plus vite : cette liste n'étant ni complète ni affirmative de ce que vous pouvez vivre en ce moment)
   
   
   

    • Sa fréquence : 10 à 20 % des femmes 
    • Sa durée : peu de temps après la naissance, s'installe tout doucement après le délai "réglementaire" du baby-blues, dure plusieurs mois sans soin adéquat (médicament associé à une thérapie spécifique mère-enfant) peut se chroniciser des années si pas soignée et avoir des répercussions sur vos relations futures avec votre enfant ainsi que sur son développement physique et psychique.
       


        Symptômes dominants :
       
       

    • réactions physiques telles que palpitations, bouffées de chaleur, tremblements, sensation d'oppression, d'étouffement, vertige...
    • impossibilité de dormir ou sommeil fortement perturbé : cauchemars, endormissement très long, réveils fréquents...
    • fatigue constante
    • activité frénétique jusqu'à effondrement
    • irritabilité permanente
    • détachement, lassitude inhabituelle
    • difficulté de concentration, délaisse ses centres d'intérêt habituels, plus de goût à rien, perte d'envie : alimentaire, affective, sexuelle...
    • pleurs fréquents ou impossibilité de pleurer même quand l'envie est forte
    • colères incontrôlables, sans motif précis
    • exprime son désarroi avec son bébé par des gestes brutaux ou au contraire cache ses pulsions par des démonstrations d'affection excessives en public
    • perte de mémoire, oublis graves même dans les soins du bébé
    • anxiété constante, crise d'angoisse, sentiment de panique, sentiment presque physique d'un danger d'une catastrophe imminente
    • culpabilisation sur tout, se sent responsable de chaque problème qui survient
    • plus envie de sortir de chez soi ou au contraire sort beaucoup car redoute le moment où elle se retrouve seule chez elle avec son bébé
    • aucune émotion vis-à-vis de son bébé, ou panique devant l'intensité de ses sentiments, impossibilité de prendre son enfant contre soi ou au contraire ne peut plus s'en détacher, peur constante qu'il lui arrive quelque chose...
    • pense continuellement qu'avoir eu un enfant était une erreur, que sa mission est terminée depuis qu'elle l'a mis au monde et est convaincue que n'importe qui pourrait la remplacer avantageusement
    • rivalité d'existence avec son enfant : l'un doit disparaître pour que l'autre puisse vivre 
    • envie de partir, de disparaître, de mourir, se sent un poids pour tout le monde...
    • ne se sent plus aimée et a le sentiment de ne plus être capable d'aimer 
    • pensées et fantasmes obsessionnels, qu'elle ne peut chasser, qui l'anéantissent : peur de faire du mal à son bébé, de se faire du mal...
            


            En conclusion :
            
L'évidence des caractères dépressifs de cette difficulté maternelle ne doit pas conduire son "soin" à la relégation psychiatrique systématique.
Se "contenter" de fournir des anti-dépresseurs, c'est faire l'économie d'une réflexion sur ce qui a provoqué la dépression et même si les médicaments atténuent la plupart des symptômes d'anxiété, il sont sans effet sur la relation mère-enfant qui pour le moment ne peut se mettre en place.
Les antidépresseurs sont impuissants à susciter chez la mère l'émotion initiale (le carburant) nécessaire à la construction du lien maternel et peuvent même de par leurs effets secondaires retarder cette étincelle : l'une des conséquences du traitement en effet fige votre visage en un masque impassible "steel face", or le bébé se nourrit aussi au visage de sa mère, c'ets là essentiellement qu'il peut y lire l'attachement qu'il génère chez elle et la confirmation de sa possibilité d'existence.
            
Le diagnostic de la dépression du post-partum doit viser avant tout la reconnaissance d'une difficulté relationnelle avec son enfant et d'une évidente inadéquation entre les deux.
Ce trouble de l'humeur signe l'installation d'un problème maternel qui porte atteinte à l'identité de la mère et produit un mode de relation pathologique mère-enfant préjudiciable à l'émergence de la maternité psychique nécessaire à celle de la naissance psychique de l'enfant.
Il est primordial que le corps médical soit formé à reconnaître la souffrance ou la pathologie maternelle, non pas tant comme pathologie psychiatrique, mais bien comme une difficulté maternelle risquant de retentir sur le bébé (Catherine Isserlis, pédopsychiatre)
Nous avons vu précédemment que cette "maladie" constituait souvent la seule alternative au suicide ou à l'infanticide : "c'est une folie de ne pas savoir qui avance sous le masque de la dépression". (Jean-Marie Delassus).
            

Publicité
Commentaires
A PROPOS DES FEMMES
Publicité
A PROPOS DES FEMMES
Publicité