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A PROPOS DES FEMMES
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20 mai 2010

L'image du corps en psychanalyse

L'image du corps en psychanalyse

                                                                                     

 

                                                                                                    
                                                                                        

Le corps a d’abord été regardé, vu, observé et même   disséqué. La psychanalyse l’a entendu.

 

Le concept psychanalytique d’image du corps est très difficile à cerner et à définir. Il a d’abord été confondu avec celui de schéma corporel. Schilder, un des premiers auteurs à avoir travaillé la question passe lui-même d’un terme à l’autre sans distinction .

 

Schilder, Wallon, Piaget, Merleau-Ponty, Lacan, Dolto ont conceptualisé des notions aussi diverses que l’image du corps, le schéma corporel, l’image spatiale du corps, l’image de soi, l’image inconsciente du corps, etc. qui ne recouvrent pas les mêmes faits et qui se sont succédées depuis la fin du siècle dernier.

 

Ces différentes approches nous montrent combien il est difficile de tenir un discours univoque sur le corps. Tout d’abord, lorsque l’on parle de corps, de quel corps parle-t-on ? du corps physiologique, biologique ou du corps imaginaire, fantasmatique ?

 

Comment la Psychanalyse parle-t-elle du corps ? Pour répondre à cette question, je vais avoir besoin au préalable de poser quelques notions freudiennes qui nous permettront, je l’espère, de mieux comprendre ce rapport d’un sujet à son propre corps et au corps des autres. Je vous parlerai donc de pulsions partielles, de stades de développement, d’appareil psychique et bien sûr, du corps dans l’hystérie.

 

Ensuite, je vous présenterai la théorisation de Jacques Lacan sur le « stade du miroir », puis, à partir des apports de Françoise Dolto, nous préciserons la différence entre schéma corporel et image du corps et, enfin, nous aborderons la pathologie, les perturbations de l’image du corps et les possibilités thérapeutiques.
                                     

 

I. COMMENT REPÉRER CHEZ FREUD LA PLACE DU CORPS ?

 

Comme vous le savez peut-être, c’est l’hystérie qui est à l’origine de la psychanalyse. Freud, lors de son stage chez Charcot, a eu l’intuition de l’inconscient. Charcot a décrit avec une grande précision les différents symptômes hystériques, par exemple, les paralysies, la cécité hystérique, la surdité, les symptômes autour du cou, la toux hystérique, les modifications de la hauteur de la voix, la grossesse nerveuse. De tels symptômes ont une vocation signifiante, c’est-à-dire qu’ils servent à signifier quelque chose qui ne peut pas se dire autrement. A partir de cette clinique, Freud élabore la notion d’inconscient, d’un inconscient qui agit à l’insu du sujet.

 

Freud a beaucoup observé l’organisation sexuelle infantile . Il décrit l’évolution sexuelle infantile comme une succession du fonctionnement des différentes pulsions partielles. Les pulsions partielles correspondent à des objets partiels et ne sont pas nécessairement liées à la génitalité. Un certain nombre de stades correspondent à ces différentes pulsions partielles et donc à ces différentes zones érogènes. Citons-les rapidement :

 

- stade oral (entre 0 et 2 ans) ;

                                        - stade anal (entre 2 et 3   ans) ;
                                        - le stade phallique (entre 3 et 5 ans) ;
                                        - le complexe d’Œdipe   ;
                                        - la période de latence ;

- le stade génital, la puberté où les pulsions partielles s’unifieraient sous le primat du génital. C’est à partir de la puberté que vont commencer discrètement à se cristalliser les organisations de symptômes (les fixations pulsionnelles entraînant des régressions).

 

Chez l’enfant, avant le stade génital, son corps n’est qu’une mosaïque de zones érogènes. D’ailleurs, Gilles Deleuze définit le corps comme un habit d’Arlequin. On pourrait rajouter un « habit sur mesure », puisque chacun vit ces étapes différemment, c’est-à-dire que chaque enfant vit son corps selon la singularité de sa propre histoire avec ses expériences personnelles, ses frustrations, ses satisfactions et ses fixations.

 

Plaçons-nous maintenant dans la perspective de Jacques Lacan. Son travail sur le stade du miroir est un apport fondamental en ce qui concerne les théories sur le corps.
                                     

 

II. LE STADE DU MIROIR CHEZ JACQUES LACAN

 

C’est d’abord Wallon qui décrit le stade du miroir. Lacan   attribue une explication à cette observation de Wallon.

 

Ce stade du miroir est une expérience que l’on peut observer chez l’enfant entre 6 et 18 mois. C’est la première expérience de son identification que l’enfant va y jouer. Identification qui va s’effectuer progressivement comme une espèce de conquête qu’il va accomplir à partir de sa propre image projetée dans le miroir.

 

Précisons d’abord deux notions importantes :

 

- le fantasme du corps morcelé ;
                                        - l’identité du corps   propre.

 

Le fantasme du corps morcelé

 

L’enfant ne vit pas son corps comme une totalité unifiée. Il n’arrive pas à distinguer son corps de ce qui lui est extérieur. Il le perçoit comme quelque chose de dispersé, de morcelé (comme dans la schizophrénie). C’est le stade du miroir qui va mettre un terme définitif à ce fantasme et qui va permettre à l’enfant d’accéder à un vécu psychique de son corps, une représentation de son corps comme une totalité unifiée.

 

La représentation du corps propre

 

C’est la représentation totale de son corps en une seule image pour l’enfant. C’est également une identité. L’enfant s’identifie à sa propre image.
                                          
                                        On peut distinguer trois étapes dans le stade du miroir :

 

La première

Dans cette première étape, tout se passe comme si l’enfant percevait sa propre image dans le miroir non pas comme une image mais comme un être réel et il se comporte en face de son image, à cet âge-là, comme il se comporte en face de son semblable enfant. Cela prouve qu’il n’est pas encore capable de discriminer de façon très précise ce qui est lui de ce qui n’est pas lui, par exemple, il y a des enfants qui pleurent en voyant les autres tomber. Cela prouve aussi que c’est à travers l’image du miroir que l’enfant commence à se repérer, qu’il se vit lui-même, qu’il cherche à se situer.

 

La seconde

C’est ce moment où l’enfant finit, à force de répétitions, et surtout, à force de maturation psychique par comprendre que l’autre du miroir n’est qu’une image, c’est-à-dire que ce n’est pas un être réel. Là, on observe que l’enfant ne fait plus aucune tentative pour attraper l’enfant dans le miroir. Il a compris qu’il ne s’agissait pas d’un autre réel.

 

La troisième

L’enfant finit par reconnaître que l’autre du miroir est une image, et que cette image est la sienne. De ce point de vue, on peut dire que l’enfant accède à un savoir qu’il n’avait pas. Cette reconnaissance c’est la preuve d’un savoir sur soi. C’est aussi la preuve que l’enfant finit par percevoir son corps comme un corps unifié. C’est une anticipation imaginaire.

 

Le stade du miroir se réalise antérieurement à l’acquisition du schéma corporel. Nous allons donc évoquer la différence entre image du corps et schéma corporel à partir de Françoise Dolto qui disait, à propos du stade du miroir, que l’enfant, par la répétition de l’expérience, s’approprie son propre corps et y piège son narcissisme. Le paraître se met à valoir, parfois à prévaloir sur le ressenti de l’être.

                                          
                                        III.   L’IMAGE DU CORPS CHEZ FRANÇOISE DOLTO

 

L’expérience psychanalytique de Françoise Dolto avec les enfants la conduit à repérer, très tôt, dans les dessins et les modelages ce qu’elle appelle « image du corps ».
Elle différencie de façon très précise le schéma corporel de l’image du corps. Elle dit que le schéma corporel est une réalité de fait, constituée à partir de perceptions. Nous pouvons préciser en disant que c’est un ensemble de processus perceptifs et organiques qui nous permettent de saisir l’unité de notre corps. Par exemple, c’est ce qui nous permet de pouvoir localiser à une partie très précise de notre corps, quelque chose qui lui arrive, que ce soit une excitation de type plaisir ou de type douleur.

 

Un schéma corporel sain peut coexister avec une image du corps perturbée. De même, qu’un schéma corporel troublé peut coexister avec une image du corps saine. L’exemple type du schéma corporel troublé est le « membre fantôme » de Schilder.

 

Le schéma corporel est le « même » pour tous les individus. L’image de corps est propre à chacun, elle est liée au sujet et à son histoire. Le schéma corporel est en partie inconscient mais aussi pré-conscient et conscient alors que l’image du corps est éminemment inconsciente.

 

L’image du corps est la conquête progressive de l’unité qui permet la maîtrise de la totalité de notre corps. Elle est avant tout imaginaire et composée non seulement des fantasmes de notre première enfance mais aussi par ceux de tous les conflits affectifs qui ont bouleversé et composé l’histoire de notre vie.

 

L’image du corps est la synthèse vivante de nos expériences   émotionnelles, mémoire inconsciente de tout le vécu relationnel.

 

« Tout contact avec l’autre, que ce contact soit de communication ou d’évitement de communication est soutendu par l’image du corps, car c’est dans l’image du corps, support du narcissisme, que le passé résonne dans la relation présente » .

 

L’acquisition de l’image de soi ne peut se faire que par la médiation de l’image et du regard d’autrui. Elle passe donc par le désir de l’autre et ne peut échapper aux pulsions de vie et de mort.

 

Françoise Dolto nous donne un exemple celui d’une fillette seule avec elle qui dessine un très beau vase de fleurs épanouies avec les tiges trempant dans l’eau. Ensuite, durant l’entretien avec la mère en présence de la fillette, celle-ci fait un deuxième dessin, celui d’un minuscule pot de fleurs avec un minuscule bouquet de fleurs fanées, sans eau. On voit la différence de l’image du corps de la fillette, telle que ressentie inconsciemment selon qu’elle est en présence de sa mère ou sans elle. Relativement à sa mère, elle se sent minable et fanée, tandis que lorsqu’elle est toute seule, interlocutrice de l’analyste qui l’écoute, elle se sent le droit de s’épanouir et d’être dans sa beauté séductrice narcissique. Le schéma corporel de cette fillette n’est pas modifié par la présence de la mère mais cette présence entraîne une modification dans l’image du corps. Cette modification permet de comprendre les relations actuellement perturbées mère-fille.

 

 

 

IV. LES PERTURBATIONS DE L’IMAGE DU CORPS ET LEURS   THÉRAPEUTIQUES

 

Nous avons vu avec le stade du miroir le rôle primordial que joue chez l’individu la captation visuelle par l’image de son corps et donc, la recherche narcissique d’une identification avec les autres.

 

Les yeux sont pour chacun de nous autant de miroirs pour refléter notre corps, mais ce ne sont pas des miroirs fidèles et ils troublent l’image que nous souhaitions y rencontrer. D’où l’intérêt de la Psychanalyse qui permet de pouvoir écouter sans être vu : place en retrait du Psychanalyste invisible au patient allongé. La présence invisible et silencieuse du Psychanalyste invite ainsi l’analysant à transformer ce corps imaginaire, ce fantasme du corps en un corps parlé. En opérant dans le seul champ de la parole, l’analyste assure cette bienveillante neutralité dont la règle lui a été imposée par son projet de restituer le sujet à lui-même. Par contre dans les situations de thérapie de face à face, il est donc important que le thérapeute soit analyste pour pouvoir analyser les effets de son propre regard sur le patient. Car tout regard humain est à la fois perception et expression de son existence personnelle.

 

La psychose

On trouve évidemment de graves perturbations de l’image du corps dans la psychose, particulièrement dans la schizophrénie et dans la forme particulière de l’hébéphrénie où l’image du corps reste l’image d’un corps morcelé et où l’on peut même assister à certaines mutilations. Ces sujets n’auraient pas traversé les principales étapes du stade du miroir. La thérapie est essentiellement du domaine psychiatrique.

 

La timidité

Le timide est embarrassé par son propre corps. Il serait d’ailleurs plus juste de dire non pas son propre corps mais son corps -pour- l’autre. Son corps -pour- l’autre lui échappe. Il ne peut pas le maîtriser, lui donner l’attitude qui convient. Voilà pourquoi lorsque le timide souhaite faire disparaître son corps, n’en plus avoir, c’est de son corps -pour- l’autre dont il s’agit. Tout ceci est formidablement bien décrit par Sartre dans L’Être et le Néant .

 

D’ailleurs, s’il est tellement angoissé par ce corps -pour- l’autre, c’est qu’il pense que son corps -pour- l’autre est son corps- pour- lui. C’est-à-dire que le timide croit que l’autre le voit tel qu’il est. Il se résigne donc à se voir par les yeux des autres. Le timide est dépendant du regard d’autrui.

 

Cette pathologie peut entraîner de nombreuses phobies sociales et   leurs inévitables inhibitions et conduites d’évitement.

 

La psychothérapie est souvent demandée pour sortir de ces inhibitions. Il faut alors aider le patient à identifier son trouble narcissique et à faire le lien avec ses problèmes identificatoires et surmoïques. Il n’a vraisemblablement pas reçu de gratification narcissique suffisante ou ne les a pas interprétées comme telles.

 

L’éreutophobie ou   érythrophobie

L’éreutophobie, c’est la peur de rougir en public. Je vais vous parler d’un exemple clinique que je vais emprunter à Schilder . Il s’agit d’un jeune homme de 33 ans qui rougit et transpire dès qu’il se trouve en présence des gens, ou bien dés qu’il pense à l’éventualité de rougir ou de transpirer, cela le remplit de panique. C’est-à-dire, pour reprendre une expression célèbre d’Alain, il a peur de sa peur. Cette peur lui fait redouter les contacts sociaux et l’amène à les éviter, ce qui a pour conséquences des difficultés socioprofessionnelles importantes et une vie privée complètement appauvrie.
La psychothérapie montre que ce trouble remonte à la petite enfance et s’accompagne de nombreux autres symptômes qui ont trait à ses rapports corporels avec autrui. C’est dès l’âge de 13 ans, quand ses poils commencent à pousser qu’il découvre la masturbation et qu’il commence à être gêné. Il s’imagine que c’est la masturbation qui fait pousser les poils et que, donc, les gens n’ont qu’à le regarder pour savoir qu’il se masturbe et que ses érections se voient. Là aussi, on peut donc observer cette soumission au jugement social, à des valeurs culturelles imposées intériorisées par le Surmoi et source de culpabilité. Mais d’autres éléments apparaissent comme son père représentant pour lui un idéal masculin traumatisant : il avait été dur, irascible, distant, terrorisant son fils par des reproches et surtout son regard coléreux et impitoyable. D’autres symptômes complètent cette observation pour laquelle je propose l’orientation thérapeutique suivante : il faut aider le patient à comprendre le rôle du regard dans ses relations et faire le lien avec sa position narcissique à partir du stade du miroir et explorer ses positions œdipiennes et également démonter le mécanisme phobique qui est le suivant : quand il rougit cela signifie j’ai une érection, viens plus près de moi. Ceci étant inacceptable pour le Surmoi, le mécanisme de défense le transforme en : j’ai peur des gens, de moi-même et de ma propre image.

 

La dysmorphophobie

C’est une phobie créée par le regard d’autrui. Le dysmorphophobe est un individu normalement constitué qui croit être affecté de déformations physiques, qui croit son corps difforme. Cette « obsession » de la difformité du corps peut porter soit sur sa grosseur ou sa maigreur, soit sur sa taille, soit sur l’aspect disgracieux du visage, soit enfin sur les caractères sexuels. Elle se rencontre surtout chez les adolescents mais peut perdurer à l’âge adulte. Prenons un exemple, j’ai reçu une jeune femme de 24 ans qui présente des conduites phobiques parmi lesquelles se dégage la suivante :

 

« J’ai honte de mon ventre, il est gros, il est mou, pourtant je fais de la gymnastique tous les jours. Lorsque je prends un kilo, je restreins mon alimentation de façon très sévère. Je me pèse plusieurs fois par jour pour vérifier. Quand je me regarde dans un miroir, je trouve mon ventre monstrueux. L’idée même d’avoir à me confronter avec le miroir m’angoisse. Quand je regarde les autres femmes, je le trouve gros. Je crois que l’on ne voit que ça. Je le cache, je le rentre, je porte des vêtements qui le compriment. Quand un regard se porte sur lui, je fuis, j’ai l’impression que l’on ne voit que ça. Je suis toujours en alerte, j’observe les autres de peur que les autres m’observent. »

 

Très proche de l’éreutophobie, il s’agit là de la morphologie du corps mais pas seulement du visage, la dysmorphophobie est la peur du jugement social. On retrouve chez le dysmorphophobe les mêmes craintes que chez l’éreutophobe et la même source conflictuelle. La psychanalyse découvre aussi des tendances homosexuelles latentes et la crainte liée à la masturbation. Mais la dysmorphophobie dérive plus directement de l’adolescence en tant que phases de changements profonds et de l’acceptation de ces changements. La dysmorphophobie n’est qu’une forme particulière de la non-acceptation de soi-même, celle de son corps.
On retrouve en psychothérapie, presque toujours la mère et sa difficulté à accepter de voir son enfant se détacher d’elle et donc à accepter les modifications corporelles chez son enfant devenant adolescent. Cela entraîne une méfiance de l’adolescent à l’égard des autres et de leur regard. Il déteste son corps parce qu’il a peur que les autres ne le jugent difforme. Il faut souligner aussi le poids des modèles culturels, de corps idéal véhiculés par la mode et la publicité. Ici, il ne s’agit plus seulement du regard parental, mais du jugement social, ses normes et sa dictature d’autant plus impitoyables qu’elles auront été introjectées. Elles seront plus facilement introjectées par des sujets en grande fragilité narcissique ou si elles sont reprises et véhiculées par les parents eux-mêmes. Il faut donc aider le patient à retrouver ou à trouver des appuis narcissiques du côté de l’être plutôt que du paraître.

 

L’anorexie mentale

Je vais probablement vous décevoir si je vous dis que nous allons passer très rapidement sur cette pathologie, mais le thème est si vaste qu’il mériterait une séance à lui seul. Pour moi, l’anorexie est une incapacité à accepter et à intégrer les transformations de la puberté autant qu’à assumer sa féminité, doublé d’une tentative de maîtriser les transformations qui lui échappent. Être mince n’est qu’une manière de parvenir à la négation des formes, et des formes féminines en particulier. L’image idéale vers laquelle tend l’anorexique est une image qui met à distance les indices de la féminité. Elle tente de combattre tout ce qui évoque féminité et sexualité. Le danger n’est pas réel, il est lié à l’image du corps du sujet. L’anorexie est une affaire d’adolescence, mais cette pathologie du corps a à faire avec le développement précoce infantile. Ne devient pas anorexique qui veut : n’est anorexique que l’enfant qui n’a pas, dans sa première enfance, été investie par sa mère comme future femme c’est-à-dire dont la mère n’arrivait pas à se représenter sa fille comme une future femme et pas seulement comme une enfant.

 

Les conduites boulimiques

Je parle de conduites boulimiques ou de boulimies au pluriel pour rendre compte de la multiplicité des profils pathologiques. Ce n’est pas le lieu pour développer cet aspect, je me contenterai donc de vous livrer quelques réflexions. Tout d’abord, notons que chez tous les patients boulimiques on retrouve la peur de grossir et la recherche d’une minceur idéale. Dans 70 % des cas pourtant, les boulimiques ont un poids normal, chez d’autres, il peut présenter des variations très importantes sur des périodes de temps courtes (plus de 20 kg en quelques semaines). Ces patients ne sont satisfaits ni de leur poids ni de leur morphologie.
Si l’on veut établir des éléments de comparaison avec l’anorexie, notons déjà qu’à la fierté anorexique correspond la honte boulimique avant, pendant, après ou lors de l’aveu de l’accès. La honte est liée à la perte d’une image acceptable de soi dans le regard des autres. On retrouve chez les boulimiques une image du corps mauvaise, dévalorisée, les dysmorphophobies sont fréquentes et concernent tout particulièrement les parties corporelles considérées comme spécifiquement féminines.
La thérapeutique peut inclure la consultation en nutrition qui permet d’éclairer le sujet sur les conséquences et les facteurs immédiats et directs de son comportement alimentaire et de l’aider interrompre des enchaînements de comportements dont il sous-estime par ignorance la dangerosité. Il doit alors s’agir d’une véritable cothérapie.
L’indication de psychothérapie psychanalytique se fonde sur des critères qui ne concernent pas seulement le symptôme mais l’ensemble de la vie psychique et l’histoire personnelle. Comme pour les thérapies de toxicomanes (la boulimie est bien une conduite addictive), le cadre doit être maintenu avec autorité mais sans agressivité. L’attitude de l’analyste, bienveillant et disponible, a valeur de réparation narcissique. Le silence doit être d’usage limité. Le cadre constitué par la durée des séances, la neutralité de l’analyste, son refus de répondre aux provocations et surtout la bonne distance à trouver avec chaque patient et à chaque moment permettent le bon déroulement de la thérapie. Il faut laisser à la patiente le bénéfice narcissique de la compréhension en lui donnant les éléments pour la lui permettre. Le plaisir trouvé dans les séances peut devenir source d’angoisse et provoquer l’augmentation des crises juste avant ou juste après les séances. La difficulté majeure de ces thérapies est d’ordre contre-transférentiel. Par exemple, une attitude manipulatrice typique est de susciter des interventions de l’analyste pour les refuser. Il arrive après un certain parcours, que la séance soit rêvée et vécue consciemment comme un repas, les interventions de l’analyste comme un don alimentaire suscitant les mêmes attitudes d’avidité, de répulsion, d’envie destructrice, les mêmes besoins de contrôle. La transformation du sujet passe par l’élaboration de la position dépressive mais surtout par l’analyse du complexe d’œdipe. L’intégration de l’agressivité est une étape importante. Quand apparaissent de nouvelles possibilités d’introjections, les boulimies peuvent alors être remplacées par des relations affectives, sexuelles ou des activités artistiques ou sociales.

 

 

 

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