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A PROPOS DES FEMMES
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3 mai 2010

DE LA MERE :

Si, comme l’a déclaré Freud, la relation humaine privilégiée est la relation mère fils, il est clair qu’il n’en va pas ainsi de la relation mère/fille. Celle-ci a d’ailleurs été nettement moins étudiée en sciences humaines que la différence sexuelle ou la sexuation (la construction et l’attribution des rôles sociaux de sexe). Elle a cependant fait l’objet récemment de travaux psychanalytiques, décrivant les ravages destructeurs de cette relation, le continent maternel étant souvent rencontré dans les cures. Des écrivaines ont aussi décrit la difficile relation mère/fille, l’exhibant comme destructrice ou l’idéalisant. Amour maternel incertain, pour le moins ambivalent et parfois destructeur, oscillant entre amour et haine. Hainamoration. qu’elle se joue dans la symbiose corporelle identitaire ou dans l’abandon, dans l’absence d’un corps préservant, contenant, pour l’enfant ou encore dans ce qui pourrait s’énoncer comme rivalité mimétique selon René Girard.
Les recherches bibliographiques montrent que la relation entre mère et fille reste un domaine peu étudié, même s’il est de plus en plus médiatisé.

On distingue quatre périodes :

  1. Freud et ses contemporains : Lou Andréas-Salomé (1899,1915), Hélène Deutsch (1925,1930), Sigmund Freud (1931), Karen Horney (1933).
  2. L’école psychanalytique anglaise, avec notamment Melanie Klein (1927, 1932, 1957) et Donald Winnicott (1947,1951) pendant la période 1930-1960.
        Ces premières prises de position posent comme terme principal de la  relation mère-fille soit l’envie, soit l’emprise. Le point de vue privilégiant l’envie a plus tard été repris par Ogden (1982), Boris (1994) et Knapp (1989), avec pour mécanisme principal l’identification projective, relation en réponse à la disparité et processus par lequel la différence est convertie en similarité (Klein 1957). Le point de vue privilégiant l’emprise en vue d’éviter la séparation a donné lieu à la plupart des développements ultérieurs et combine ou non l’envie à l’emprise.
  3. Vient une période creuse entre 1960 et 1990. Les seuls événements sont la parution du livre remarquable de Nancy Friday (1977) aux États-Unis et quelques travaux relatifs à l’effet du sexe de l’enfant sur l’attitude maternelle (Lésine, 1974) ou sur les comportements sexuels précoces (Rogé, 1984; Crépavet, 1986).
  4. Brusque regain d’intérêt pour le sujet à partir des années 1990, avec les livres de Jane Swigart (1990), Françoise Couchard (1991), Marie-Christine Hamon (1992), Christiane Olivier (1993), Bertrand Cramer (1996,1999), Isabelle Yhuel (1997), Aldo Naouri (1998), Sylvie Faure-Pragier (1999), Marie-Magdeleine Chatel (1998,2000) et enfin Catherine Ternynck (2000). Divers congrès se consacrent à ce sujet : Les mères (Nouvelle Revue de psychanalyse, printemps 1992, n° 45), Psychoanalytic Perspectives on Women (Monographs of the Society for Psychoanalytic Training, 1992, n° 4), La  filiation féminine (Congrès de la Revue française de psychanalyse, 1994),  conférences du 23 janvier 1996 et du 4 octobre 1997 à l’EPCI sur La relation  mère-fille, et Annual Conference at the Washington Square Institute de  février 1996 sur Mother-Daughter Relationship. À partir de 1995, la presse  hebdomadaire, notamment féminine, y consacre de nombreux articles.

Peu de ces travaux s’interrogent sur l’effet pathogène d’une pathologie maternelle sur la fille et sur son choix d’objet : on notera Laura Arens Fuerstein (1992) et Dale Mendell (1997).

Les auteurs ont en commun une perception particulièrement violente de la relation mère-fille, qui serait marquée essentiellement par le laminage progressif de la fille par la mère. Le père est curieusement absent (sauf pour Nicole Jeammet à l’EPCI en 1997) et il est rarement question de rivalité. L’enjeu se situe entre similarité et différence, ce qui rejoint une vue kleinienne de la relation. L’identification à l’agresseur semble être la principale défense de la fille. Tous ces travaux sont abordés avec émotion et l’histoire personnelle de l’auteur est souvent perceptible en arrière-plan. Pourtant, un souffle serein vient parfois nous rappeler que la relation mère-fille n’est pas que violence (Catherine Bergeret-Amselek, 1998). La diversité des approches et des thèses est remarquable, ainsi que l’absence de courant fédérateur.

  Plusieurs éléments se dégagent toutefois :

  1. La proximité sexuelle, mais aussi et surtout la proximité des enjeux relatifs au corps et à ses transformations (propreté, puberté, sexualité, maternité, ménopause), rendent le paradoxe identitaire de la fille (être différente tout en étant pareille) particulièrement important, comme à la croisée des chemins. Le destin, féminin ou maternel, se rejoue donc à chacune de ces étapes.
  2. La mère transmet un modèle féminin et maternel. Pour ce faire, elle met en  œuvre un processus fait de maîtrise, contrôle, emprise (termes utilisés en des  sens voisins par Nancy Friday, Françoise Couchard et Christiane Olivier),  violence et intrusion (Winnicott) et culpabilisation (Friday et Guignard),  cette dernière mettant ou non en avant le sacrifice maternel.   
        Le modèle diffère de l’identification. L’identification est l’adhésion à un idéal symbolisé par un seul individu (en l’occurrence, la mère), le modèle est l’adhésion à un schéma collectif souvent médiatisé par le « on » (« on » ne s’intéresse pas de trop près à l’anal, « on » est fidèle à son mari, etc.). L’identification porte sur des domaines dans lesquels le comportement de la mère a été un exemple explicite (la mère est honnête) ou implicite, mais sans ambiguïté (la mère aime le père). Le modèle, lui, touche aux domaines douteux dont « on » ne préfère pas savoir comment la mère, qui l’impose, le vit : une femme honnête ne pratique pas la sodomie (mais allez savoir ce qu’apprécie vraiment ou à quoi consent la mère dans l’intimité). Le modèle maternel véhiculé par l’emprise passe par la création d’un idéal de pensée et de comportement et par l’interdit de certaines pulsions partielles. La tentation est forte de poser comme hypothèse que les pulsions partielles en question sont précisément celles qui excitent le plus la mère.
    L’effort de la mère pour transmettre coûte que coûte les paramètres du destin féminin porte tour à tour sur les différents éléments du corps de la fille, anus d’abord, puis vulve et clitoris, puis vagin, puis hymen, et enfin utérus. Chez la fille, les événements qui suscitent conflit ou rébellion sont l’apprentissage de la propreté, la masturbation infantile ou juvénile, l’apparition des menstrues, les premiers rapports sexuels, le mariage et le premier enfant. La conclusion de cette empoignade est le moment où la fille devient mère (et pas seulement génitrice) à son tour.
        Interdit, non-dit, culpabilité (provoquée par l’évocation du sacrifice  maternel), menace de retrait d’amour et intrusion (dans les pensées et dans  le cercle intime) constituent la trame de la relation mère-fille.
  3. L’ambivalence maternelle se déploie entre plusieurs pôles : amour (tous les  auteurs, mais parfois de façon implicite), haine (Freud et Winnicott), envie (Friday et Couchard) et rivalité (Chatel). La relation mère-fille oscille entre ces quatre pôles. Autant la fille, réplication quasi parfaite de la mère, aura implicitement pour mission de vivre ce que la mère n’a pu vivre, autant ce privilège inouï est insupportable à la mère frustrée de ce qu’elle n’a pas vécu. Par ailleurs, la rivale se dessine derrière la petite fille.
    La relation est donc la composante dynamique des quatre forces en présence chez la mère. Celle-ci ne peut combiner ces forces contradictoires qu’en augmentant son emprise sur sa fille.
        Qu’est-ce que l’emprise ? Disons avec Roger Dorey (1981) que c’est une  attitude de domination qui laisse une empreinte définitive et visible. La domination s’exerce tantôt sous forme de séduction tendre, d’harmonie, voire de sentiment fusionnel, tantôt sous forme d’anéantissement du désir et de l’individualité. Le fameux « nous sommes amies, nous nous disons tout » implique que la fille dise effectivement tout, mais que la mère garde pour elle ses petits ou grands secrets. L’empreinte se concrétise dans des modèles de pensée et de comportement qui portent essentiellement sur le féminin, la  sexualité et la maternité. Elle passe par des effractions, dévoilements et marques successives plus ou moins imprimées dans le corps. Sans parler de mutilations sexuelles, on peut noter que presque toutes les femmes occidentales avaient les oreilles percées voici une trentaine d’années, par exemple.
  4. Les réponses de la fille sont peu évoquées. L’envie (Couchard et Guignard), le mimétisme (Guignard) ou la révolte 
  5. L’idée que la relation à la mère se répète avec le mari est parfois avancée. Mais est-ce la bonne mère (Dale Mendell) ou la mauvaise mère (N. Jeammet, M.-M. Chatel) qui est recherchée ? Cela n’est pas clair.
    En résumé, la petite fille doit être protégée de deux très grands maux : la sexualité et l’analité. Le désir et le plaisir sexuels doivent rester secrets, en particulier le plaisir sexuel de la mère, si elle en a.
    Pour la mère, les enjeux de la relation sont donc de faire le deuil ce qu’elle a perdu, de ce qu’elle n’a jamais retrouvé et, surtout, de ce qu’elle n’a jamais connu. Pour la fille, ils sont de se séparer de sa mère, de devenir femme jouissante et mère à son tour, afin de pouvoir retrouver sa mère en fin de compte.
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